L'oeil d'Emmanuel

Article de l’Echo Républicain du dimanche 17 mai 2020

Présentation Emmanuel

By Emmanuel Tardy

Comment illustrer le printemps 2020, période inimaginable il y a encore 6 mois. Pas simple de relever le défi avec une photo animalière. J’ai cherché et recherché dans ma photothèque et j’ai choisi cette image que j’ai réalisé à Saint-Piat l’année dernière, qui met en lumière ou dans l’ombre, ce moment historique.

Alors, pourquoi cette photo ? C’est déjà une sensibilité qui va m’amener à faire des choix pour résumer un sujet donné. Lors de l’éditing, je vais penser au moment présent et me focaliser sur mon ressenti. Je recherche une image pleine de contraste, sombre mais aussi lumineuse, simple, sans élément venant perturber la lecture. Noire et colorée, avec un sujet connu de tous, une nouvelle fois pour que l’image soit compréhensible par les lecteurs. Avec une telle exigence, il n’y avait pas beaucoup d’images dans ma short-list. Une dizaine, tout au plus. Et par chance, je fais essentiellement des photos sombres et contrastées. 

 » Tout ne sera plus comme avant. Il faut changer les choses pour continuer d’avancer et ne pas retourner vers l’obscurité. C’est le côté positif. « 

En quelques semaines, ce virus a mis une grande partie du monde à l’arrêt. D’une simple grippe, le virus est devenu plus virulent que prévu, et nous avons commencé à avoir peur pour notre santé et celles de nos proches. Nous sommes passés du jour au lendemain de héros du quotidien à simple mortel. Afin d’imager ce moment, je vais décomposer la photo et vous expliquer cette interprétation. Le background, si important en photographie, prend tout son sens lors de la lecture de cette photo. Le noir. Il représente le présent. Le moment que nous vivons.  Ensuite l’avant plan. Celui de la lumière venant éclairer le pigeon ramier tout en couleur. Il donne l’action, le mouvement, et matérialise le renouveau. Tout ne sera plus comme avant. Il faut changer les choses pour continuer d’avancer et ne pas retourner vers l’obscurité. C’est le côté positif.

Enfin, le sujet. Un oiseau. Un animal commun, un pigeon ramier. Il aime être en groupe et vit sur tout le territoire français. Oiseau vulnérable mais aussi robuste, il a su d’adapter aux chasses et aux changements de son habitat. Cette espèce opportuniste se porte bien. Il nous symbolise. L’important pour moi était de figer son regard de biais, surpris, dessinant sa méfiance et sa peur. Il était immobile entre ombre et lumière. Il entendait le son de mon déclencheur mais ne me voyait pas. Comme le virus.

 

Décrypter une image et le travail d’un photographe n’est pas chose simple. Nous aimons avant tout raconter des histoires. Pour une même photo, l’histoire peut être différente. Qu’importe. Je ne savais pas au moment d’appuyer sur mon déclencheur, cette image serait associée au printemps 2020.

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