Invité du jour : Emmanuel Boitier

Ah, cette semaine, j’ai le plaisir de donner la parole à un Bourguignon. Il a fait ses armes dans la campagne nivernaise. Scientifique, écologue, écrivain, photographe, journaliste, il cumul les mandats pour notre plus grand bonheur.

Peux-tu te présenter en quelques mots?

Je m’appelle Emmanuel Boitier. Je suis photographe indépendant, diplômé en biologie, et je travaille principalement pour la presse magazine (je collabore tout particulièrement avec le magazine français Terre Sauvage). Je réalise des travaux de commande, essentiellement des reportages, sur la thématique générale de la nature, de la faune et de la flore, de l’environnement et des paysages, des territoires et
des acteurs de ces territoires. 

 

Comment as-tu commencé ?

J’ai commencé la photographie au seuil de l’adolescence, et je n’ai pratiquement jamais arrêté de faire des photos. J’ai grandi dans un environnement familial où l’appareil photo était présent, ce qui fait que cela s’est fait naturellement.

 

Quel a été ton déclic ?

Je me suis d’abord servi de l’appareil photo pour me permettre de prendre des images des fleurs et insectes que je rencontrais au cours de mes ballades, pour pouvoir ensuite les identifier à la maison, avec des guides. De là est née une double passion, la photographie et la nature, qui ne m’a jamais quittée.

 

Comment définis-tu ton style ?

Son propre style, c’est quelque chose de difficile à cerner pour un auteur car je crois que cela relève avant tout de quelque chose d’instinctif, voire d’inconscient. Mais au niveau de ma démarche photographique, je dirais que je recherche une écriture photographique simple, avec un regard contemplatif sur des sujets ordinaires, une photographie qui se caractérise par le choix de lumières et de couleurs douces, parfois diffuses, non agressives, et une certaine mélancolie, une certaine poésie aussi je l’espère, pour des images accessibles et sans grandiloquence. On m’a parfois dit que je photographiais bien le silence : ça me va bien. J’aspire à une photographie apaisée et sereine. 

 

Je ne suis pas vraiment convaincu par l'idée qu'une photo doive véhiculer un message, ou même qu'elle véhicule un message tout court.

De quelle manière aimes-tu travailler?

Je ne suis pas un photographe créatif : je suis incapable de faire des photos pour montrer ce que je suis capable de faire, que je maîtrise (ou pas d’ailleurs…) telle ou telle technique. Plus qu’une recherche d’originalité et de créativité, je suis plutôt sur une recherche de sens (ça peut paraître orgueilleux…). Je ne réfléchis pas aux photos que je vais faire avant de les faire, je suis plutôt un glaneur d’images, un cueilleur, je prends ce que l’on me donne, même si j’ai une idée précise de ce que à quoi j’aspire. J’ai donc plutôt une manière de travailler qui consiste à avoir une approche spontanée de l’acte de photographier, une approche naturaliste dans le sens où j’observe beaucoup, je scrute, et je déclenche parfois. En revanche, il n’y a aucune spontanéité dans la préparation de mes sujets : je choisis précieusement les conditions météorologiques, les lieux, les horaires. Avec le temps, je travaille bien davantage aujourd’hui sur des idées, des sujets, des séries que par le passé où j’avais beaucoup plus tendance à partir photographier sans vraiment d’idée en tête et à regrouper des images paraissant cohérentes, à postériori. Je marche moins vite et je réfléchis plus. Quant à savoir si c’est une bonne chose…

 

Qu’est-ce qui est le plus gratifiant dans ta pratique de la photo ?

J’aime mettre en place un sujet, un récit, une histoire, je ne suis pas un photographe d’une seule image, alors ce qui me plaît c’est d’emporter le lecteur qui va regarder mon reportage et mes images, de lui donner envie de découvrir les lieux photographiés, qu’il se projette dans le sujet. Si j’y parviens, alors
c’est véritablement gratifiant. 

Et le plus difficile, ou décevant ?

J’essaie d’oublier rapidement mes échecs et mes déceptions car mon métier me passionne, et en dépit de la difficulté à l’exercer de nos jours (comme bien d’autres métiers), j’essaie de me projeter sans cesse vers l’avant. Je dirais néanmoins que la plus grande difficulté est à mes yeux de devoir tirer un salaire d’une
activité qui est une passion : il faut sans cesse faire la part des choses entre ses aspirations personnelles et les attentes des commanditaires. C’est un exercice qui peut être délicat. Personnellement, j’ai plutôt de la chance avec ça, les sujets que l’on me demande de produire sont souvent des sujets qui m’intéressent personnellement. Je n’ai pas la sensation de faire des images dites alimentaires, ni de trop de compromis. C’est important.

 

Quelle reconnaissance attends-tu ?

Je n’en attends aucune, et pourquoi devrais-je en attendre d’ailleurs ? 

 

Que veux-tu exprimer dans ton travail ? Quel est ton message

Je ne suis pas vraiment convaincu par l’idée qu’une photo doive véhiculer un message, ou même qu’elle véhicule un message tout court. Le message peut brouiller la démarche photographique, voire même la justifier, alors même que cette démarche peut être contestable. Par exemple, à quoi bon photographier encore et encore certaines espèces animales très menacées et fragiles, pour dire justement qu’elles le sont, alors même que leur situation ne cesse de se dégrader ? Une photographie est un vecteur d’émotion, uniquement. Que cette émotion soit esthétique, de l’ordre du sentiment ou que sais-je encore, peu importe. Alors, je n’ai aucune aspiration à faire passer un message, juste à faire passer une émotion : une émotion devant un paysage, une émotion devant une scène, devant un personnage… Une émotion que j’ai moi-même ressentie à la prise de vue, rien de plus.

 

 

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Emmanuel Boitier

Une photographie ne commence à vivre qu'une fois imprimée.

Quel est ton rêve de photographe ?

Pouvoir conduire un sujet, avec une thématique forte, sur du long terme, cerner ce sujet et prendre véritablement le temps de rassembler un set d’images cohérent, réfléchi et structuré. Et en faire un livre, un bel objet au niveau du contenant, après avoir beaucoup travaillé sur le contenu. Je n’y suis pas encore parvenu jusqu’à présent. 

 

Qu’est-ce qui le rend plus difficile à réaliser?

Le manque de moyens financiers.

 

Est-ce important de montrer tes œuvres au public ? Pourquoi ?

Une photographie est un objet de partage, donc oui c’est important de la montrer au public.  Personnellement, je considère qu’une photographie ne commence à vivre qu’une fois imprimée, dans un magazine, et mieux encore, sur un tirage. Rendre l’image accessible sur papier, c’est se mettre à nu, il n’y a pas de filtre, on peut voir immédiatement la réaction des gens. Et cela invite au dialogue, à l’échange.

 

Des projets ?

Toujours !

 

Quelles questions aurais-tu aimé que je te pose ?

Où dois-je livrer les caisses de Chablis ? J

Rendez-vous le mardi 16 juin avec Angélique Boissière

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